On t’aura presque tout fait,
on aura presque tout dit
sur ta couleur et sur tes ailes,
sur ta vitesse et sur ton nez…
On aura presque tout vu
de tes ossements blanchis
disséminés aux quatre coins de la Terre
pour le plaisir de quelques-uns,
et pour l’argent de quelques autres…
On t’aura peint en rouge
pour une bouteille d’eau sucrée,
affublé d’autres couleurs pour le cinéma,
on t’aura bariolé et déguisé en clown triste,
mais les larmes étaient à l’intérieur…
On t’a changé mille et mille fois
les pièces de ton organisme,
on a trifouillé tes moteurs
plus qu’un chirurgien ne pourrait le faire,
on te voulait toujours à neuf
pour ne jamais risquer leur peau…
Mais la tienne, de peau,
ta voilure aux hanches de soleil,
à force de la décaper,
de vouloir la rendre toujours plus neuve,
ne l’a-t-on pas plutôt abîmée,
esquintée, fragilisée ?
Et ton cœur de métal,
mille fois changé et cent fois rénové,
pouvait-il encore supporter
un dernier tour d’écrou,
un ultime tour de clé ?
Je me sens frère de ceux qui ont de la graisse aux mains et les ongles pas toujours propres…
Je me sens frère de ceux dont le cœur est aussi immaculé qu’était le tien…
11 avril 2005